Consommation stellaire
Comment peut-on estimer l'âge d'une étoile?
Imaginez que le compteur kilométrique de votre voiture ne fonctionne plus. Comment connaître la distance qu'elle a parcourue? Le problème est facile à résoudre si vous connaissez la capacité du réservoir et la consommation au kilomètre de votre véhicule: il suffit de diviser la quantité de carburant utilisée par Ia consommation. La méthode employée dans le cas des étoiles est analogue. La taille du réservoir est remplacée par la masse de l'étoile, et la consommation au kilomètre par le rendement des réactions nucléaires. |
Les étoiles sont des boules de plasma chaud en équilibre.
Elles tendent à s'effondrer sur elles-mêmes sous l'effet de leur propre poids, mais l'énergie thermique interne et la pression exercée par la lumière qu'elles rayonnent les en empêchent: comme les étoiles déversent de l'énergie dans l'espace, elles devraient perdre leur feu intérieur et se contracter rapidement en vieillissant (dans ce cas, le Soleil, par exemple, n'aurait vécu que quelques millions d'années en tout). Heureusement, des réactions thermonucléaires qui ont lieu dans leur coeur fournissent l'énergie nécessaire pour maintenir cet équilibre pendant très longtemps, parfois quelques milliards d'années.
Pendant l'essentiel de leur vie, les étoiles sont alimentées par la fusion thermonucléaire de l'hydrogène en hélium. Cette réaction ne peut avoir lieu qu'aux très hautes températures qui règnent dans le coeur des étoiles (de quelques millions à quelques centaines de millions de degrés). Dans ces conditions, la vitesse moyenne d'agitation des noyaux atomiques est suffisante pour leur permettre de se rencontrer malgré la répulsion électrostatique qu'ils exercent les uns sur les autres. Le bilan de la réaction est le suivant : quatre noyaux d'hydrogène (constitués chacun d'un uruque proton) donnent un noyau`el'hélium (comportant deux protons et deux neutrons). Quatre protons pèsent 0,7 pour cent de plus qu'un noyau d'hélium; au cours de la fusion, la fraction de masse manquante a été convertie en énergie selon l'équation d'Einstein E = m.c au carré.
Le Soleil, par exemple, émet (4 x 10 puissance 26) watts de rayonnement électromagnétique (essentiellexrient sous forme de lumière visible), ce qui équivaut à quatre millions de tonnes de matière transformées en énergie chaque seconde: Ainsi, chaque seconde, 600 millions de tonnes d'hydrogène sont transmutées en 596 millions de tonnes d'hélium.
À ce rythme, le Soleil brûle environ un pour cent de sa masse en un milliard d'années. Étant donné que seuls dix pour cent de la masse du Soleil seront utilisables comme combustible (c'est la proportion qui atteint, au centre de l'étoile, la température et la densité nécessaires), le Soleil tirera son énergie de la fusion de l'hydrogène pendant dix milliards d'années. Au cours de cette période, que l'on nomme séquence principale de l'étoile, sa luminosité et sa température resteront à peu près constantes.
La datation d'une étoile - ou plutôt d'une population d'étoiles - repose sur le fait que la durée de la séquence principale varie d'une étoile à l'autre.
Les étoiles plus massives que le Soleil brûlent leur hydrogène beaucoup plus vite, si vite que, même avec une quantité initiale de combustible largement supérieure, elles épuisent leurs réserves plus rapidement. Cette tendance peut être déduite des lois physiques qui gouvernent la structure d'une étoile: la loi de l'équilibre hydrostatique (qui traduit l'équilibre entre la force de gravitation et la pression du gaz), la loi des gaz parfaits (qui relie la pression, la température et la densité) et la loi du transport radiatif de la chaléur (qui détermine le gradient de température nécessaire pour que l'étoile libère de l'énérgie vers l'extérieur au même rythme qu'elle en produit dans son coeur). On en déduit que la luminosité d'une étoile est proportionnelle à sa masse à la puissance quatre. Par ailleurs, la quantité d'hydrogène disponible est, quant à elle, directement proportionnelle à la masse.
Par conséquent, la durée de vie d'une étoile sur la séquence principale est approximativement proportionnelle à l'inverse du cube de sa masse. Une étoile 10 fois plus massive que le Soleil est 10 000 fois plus brillante, mais vit 1 000 fois moins longtemps, soit dix millions d'années environ. Les étoiles massives brûlént la chandelle par les deux bouts : elles brillent beaucoup, mais au prix d'un terrible gaspillage et d'une vie très courte.
Une étoile qui quitte la séquence principale est facile à reconnaître.
Son coeur se contracte et s'échauffe de sorte qu'il continue à produire des réactions nucléaires (par exemple en fusionnant les noyaux d'hélium). Les couches supériéures de l'étoile sont repoussées vers l'extérieur et l'astre gonfle comme un ballon de baudruche. Chaque unité de surface de l'étoile réçoit moins d'énergie en provenance du coeur et le disque stellaire rougeoie, a lieu d'être chauffé à blanc.
L'étoile est devenue une géante rouge, un stade caractérisé par une plus grande luminosité, mais aussi par une température de surface inférieure. Cette évolufion est facile à observer lorsqu'on classe les étoiles en fonction de leur couleur (qui dépend directement de la température de surface) et de leur éclat (qui dépend de l'énergie lumineuse émise totale). Un tel diagramme, dit de Hertzsprung-Russell, rassemble pratiquement toutes les données disponibles pour les astronomes.
Les étoiles de la séquence principale se répartissent sur un segment de droite oblique qui va des étoiles petites, froides (donc rouges) et peu brillantes aux étoiles massives, chaudes (donc bleues) et très lumineuses. Quand l'étoile devient une géante rouge, elle quitte la séquence principale et se retrouve dans un domaine du diagramme correspondant aux basses températures mais à de grandes valeurs de l'éclat lumineux .
La datation des plus anciennes étoiles
Bien que les astronomes puissent calculer la durée de vie totale d'une étoile, il est difficile de savoir combien de temps elle a déjà vécu. Une étoile de la séquence principale est un modèle de stabilité et on ne sait pas lui attribuer un âge précis jusqu'à ce qu'elle commence à évoluer et trahisse ainsi son grand âge. Pour cette raison, les astronomes étudient généralement des populations entières d'étoiles dont ils peuvent supposer qu'elles sont nées à peu près au même moment. Dans un tel groupe, certaines étoiles - les plus massives - sont en train de quitter la séquence principale au moment où nous les observons; même si les autres ne portent encore aucun stigmate du passage du temps. On peut dater les étoiles qui quittent la séquence principale et attribuer leur âge au groupe tout entier.
Les plus anciennes étoiles semblent être localisées au sein de groupements stellaires nommés amas globulaires. Ce sont des concentrations stellaires compactes et denses, renfermant de 100 000 à quelques millions d'étoiles au sein d'une sphère d'une centaine d'années lumière de diamètre.
Remarque: |
Une année lumière: c'est la distance parcourue par la lumière en une année soit 9461 milliards de km (d= v.t = 300 000 km/s fois 365,25 fois 24 fois 3600 s ) A cette vitesse (300 000 km/s), la lumière pourrait faire 10 fois le tour de la Terre pendant la durée d'une seconde |
Alors que 75 pour cent des étoiles de notre Galaxie (y compris le Soleil) se répartissent dans un grand disque aplati (la Voie lactée), les amas globulaires se trouvent dans un halo sphérique qui englobe tout le disque. D'autres grandes galaxies contiennent également des amas globulaires répartis de la même façon.
La localisation des amas globulaires nous renseigne assez bien sur leur âge.
En effet, dans les années 1930, l'astronome d'origine allemande Walter Baade a montré que les étoiles de notre Galaxie se classent en deux catégories. La «population I» contient des étoiles brillantes et bleues qui, étant massives, ont une durée de vie courté et doivent être jeùnes. On ne les trouve que dans le disque galactique. L'autre catégorie, la «population II», regroupe les étoiles du halo, qui sont en général moins brillantes et plus rouges. Aujourd'hui, nous connaissons l'origine de ces deux populations distinctes : le disque contient de noinbreux nuages de gaz à partir desquels de nouvelles étoiles peuvent se former, ce qui explique qu'il renferme quantité de jeunes étoiles flamboyantes. À l'opposé, le halo de notre Galaxie manque de gaz, et peu d'étoiles nouvelles s'y forment.
En fait, les amas sont peut-être un reliquat des briques fondamentales qui ont contribué à la formation de notre Galaxie. Leurs étoiles contiennent peu d'éléments plus lourds que l'hélium. Ces éléments, que les astronomes nomment métaux (à la grande consternation . des chimistes), constituent environ deux pour cent de la masse du Soleil, mais seulement 0,01 à 0,5 pour cent de la masse d'une étoile d'amas globulaire. Ils ne peuvent être créés que par les réactions thermonucléaires qui ont lieu dans le coeur des étoiles. La rareté de ces éléments dans les étoiles des amas globulaires indique qu'elles se sont formées peu après le Big Bang, à partir de matériaux qui n'avaient pas encore été «pollués» par les produits des générations successives d'étoiles.
Il semble que les étoiles d'un amas globulaire donné aient toutes le même âge. On constate cette homogénéité lorsque l'on place les étoiles d'un amas dans un diagramme de HertzsprungRussell. Dans la séquence principale, les étoiles de masse relativement faible et à longue durée de vie sont légion, mais les étoiles les plus massives ont toutes disparu : elles ont évolué en géantes rouges, puis sont mortes. Seules subsistent, sous forme de géantes rouges, celles qui sont en train de quitter la séquence principale à la date où nous observons. Ainsi, les étoiles de l'amas se répartissent sur une ligne en forme de coude : la séquence principale se termine de façon abrupte, là où la branche des géantes rougés la rejoint. Cette coupure de la séquence principale confirme que les étoiles de l'amas se sont toutes formées à la même période.
Dès lors, la détermination de l'âge des amas globulaires devrait être un exercice relativement simple.
Les astronomes établissent un diagramme de Hertzsprung-Russell pour un large échantillon d'étoiles de l'amas. Le diagramme révèle les étoiles qui viennent d'épuiser leur réserve d'hydrogène. On déduit de la luminosité et de la température de surface de ces étoiles une masse et, par conséquent, un âge.
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LE DIAGRAMME DE HERTZSPRUNG-RUSSELL,
le plus important des diagrammes utillsés en astronomie, montre que la productlon d'énergie et la température des étoiles les placent toutes sur une portion de droite qui constitue la séquence principale, où elles restent cantonnées tant que l'hydrogène est le combustible de base de leurs réactions thermonucléaires (à gauche).
La température de surface d'une étoile est estimée gràce à la couleur correspondant à l'émission maximale d'énergie (du rouge pour les étoiles les plus froides au bleu pour les plus chaudes, en passant par le jaune des étoiles moyennes comme le Soleil).
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Quand l'étoile est proche de sa fin, elle quitte la séquence principale et bifurque vers la zone des géantes rouges (des étoiles de basse température de surface, mais d'éclat important). Plus une étoile ést massive, plus sa température de surface est importante et plus son séjour dans la séquence principale est court.
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Les astronomes ont reporté les éclats et les couleurs des étoiles brillantes de l'amas NGC 6652 (à droite), sur un diagramme Hertzsprung Russell. Ces étoiles ont toutes le même âge : 13 milliards d'années. Celles dont la durée de vie est inférieure à cet âge ont toutes disparu et sont donc absentes du diagramme. Les autres sont encore sur la séquence principale. Les étoiles qui épuisent leur hydrogène en 13 milliards d'années exactement sont actuellement en train de migrer vers la région des géantes rouges, trahissant alnsi l'âge de l'amas.
POUR LA SCIENCE - N° 286 AOllT 2001